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NEUVILLE SAINT VAAST ET LES GUERRES
Neuville Saint vaast et les guerres



Chronologie | Récit de Paul Dubois | La division Mangin | Noël 14


Paul Dubois (division marocaine, 4e tirailleur) nous raconte la "Deuxième bataille d'Artois".

Le 9 mai 1915 est lancée, en Artois, une importante offensive. La « Deuxième bataille d’Artois » est destinée à rompre le front allemand. Plusieurs divisions y participent, dont la Division marocaine. Paul Dubois est caporal depuis le 1 avril 1915. Il sera grièvement touché à Souchez le 16 juin 1915.

"Le 9 mai, il fait un temps superbe. Nous attendons l’attaque depuis quelques jours. Nous sommes couchés à Acq qui est à 6km des premières lignes. La veille, on nous donna l’ordre de coucher sac prêt, la toile de tente sur le sac et de se tenir prêt à partir à la moindre alerte. A 2h30 du matin, le capitaine s’amène : « Sac au dos ». En dix minutes, c’est fait. Nous sommes rassemblés dans un pré, sous de grands peupliers pour être à l’abri du regard si quelques avions ennemis venaient nous survoler.
Le bombardement commence à 5h et le roulement va de plus en plus fort. A 7h, on ne s’entend plus causer et à 9h, quoique étant à 4km des premières lignes, on saute sur place. Les pièces de tout calibre tirent sans interruption. C’est pire qu’un roulement de tambour. Nous avons des trains blindés armés de pièces de marine qui tirent à 10km de là. Quand, à 9h30, le 75 si met d’un seul coup. C’est un bruit à vous rendre fou.
A 10h, l’assaut général est donné sur un front de 10km. Les anglais opèrent à notre gauche, devant Loos. A 11h30, les remières vagues ont fait 4km et demi ; et 5km en avant les boches sont soit en bouillie sous cet orage de fer, soit fous, se rendent et se sauvent où ils peuvent, comme ahuris.

Notre régiment est la troisième ligne de renfort. Nous avançons au Mont-Saint-Eloi et, à 14h, nous partons pour en mettre un coup à notre tour, car nous attendons avec impatience. Nous avons déjà pris la route de Béthune à Arras, la Targette, Neuville Saint Vaast. Nous partons à travers les tranchées conquises et arrêtons vers Neuville pour y faire des tranchées pour notre point d’appui.
La bataille continue dans la nuit, nous avançons pour nous resserrer sur les premières lignes. Le matin, les obus, les shrapnels nous arrosent. Ma chéchia est déchirée et jetée à terre par un éclat d’obus. Je la ramasse et continue ma course. Nous arrivons aux premières maisons du pays qui forment un vaste incendie. La mitraille pleut de toute part, c’est un abrutissement complet. Dans la nuit nous n’avons pas pu tenir tout le pays de Neuville. Les boches tiennent quelques maisons au nord, et nous le sud.
Les combats de rue s’engagent. Nous avons une batterie qui est venue s’installer à l’entrée du village et se fait entendre. Elle fait du bon boulot.

Le soir arrive, on nous donne l’ordre d’aller en première ligne. Nous allons en rampant jusqu’à 200 mètres des boches, car ce n’est plus la mode de marcher debout. Et aussitôt nous faisons des tranchées pour nous y abriter le jour et attendant que l’on avance, si c’est possible. Dans cette guerre il est impossible de tenir sans être caché ou couché.
Cette nuit-là nous avons eu la visite de quelques boches, non pas pour se battre mais pour se rendre. Peut être 80, mais en 2 fois, et un capitaine. Nous les avons reçu à coups de fusils, et quand ils ont dit qu’ils étaient « Kamarades », nous leur avons fait bon accueil. Ils sont désespérés du "75" et disent que si l’on continue à bombarder avec, ils se rendront tous. Heureusement, il n’est pas près de se taire notre meilleur camarade.
La pointe du jour arrive, c’est le 11 mai. Les balles continuent de claquer à nos oreilles. Le capitaine de ma compagnie, Guenbau, tombe, percé par une balle qui lui traverse le ruban de sa médaille de légion d’honneur. L’adjuvant de ma section est blessé en même temps, tout le monde reçoit l’ordre de rester caché. Les marmites tombent toujours. Une d’entre elle nous recouvre de terre, deux escouades à la fois. Pourtant, à midi, le bombardement recommence de notre côté. On nous annonce 2h de bombardement. A 14h nous devons donner l’assaut. On nous envoie un lieutenant pour reprendre le commandement de la compagnie.

La quantité d’obus explosifs qui tombe devant nous forme une fumée noire qui nous prend à la gorge et nous empêche presque de voir les lignes boches. Le pays de Neuville flambe depuis 3 jours. Les boches bombardent la partie que nous tenons, et nous, le reste de ce qui leur appartient. Les maisons s’écroulent presque toutes à la fois.
Quatorze heures arrivent, voici l’assaut. Nous sortons de derrière nos mottes de terres. Les mitrailleuses et les "75" font rage. Les marmites de 155 et 270 mm paralysent les renforts à 2 et 5km de là. Nous avançons plusieurs centaines de mètres derrière une crête, en avant du bois de la Folie, et on s’en contente. Les boches ont encore perdu un bon point d’appui, et les macabées ne nous enverrons plus de balle. Pendant ce temps il en est tombé pas mal des nôtres, mais beaucoup sont blessés.

Le soir de cette journée mémorable arrive. Nous maintenons nos positions. Une petite contre-attaque est repoussée. Nous continuons de creuser. Voilà 1h du matin, quand un régiment vient nous relever. Mais avant de les quitter nous leurs avons dit : « Continuez ce que nous étions en train de faire ». Nous voilà donc partis pour nous reposer un peu les idées. Nous arrivons au Mont-Saint-Eloi qui est cette fois distant de 6km ; tandis que 4 jours avant, il en était à peu près 2km. C’est alors la soupe qui est notre première idée, après l’appel aux vivants. En effet, depuis le 8 mai au soir nous n’avions pas eu de soupe, ni rien de chaud. J’ai mangé en 4 jours une boule et demi de pain et une livre de chocolat ; pendant trois jours j’ai bu un demi litre d’eau et, comme les camarades, pas roupillé, si ce n’est quelques heures pendant les grands bombardements sur 24h.
Nous sommes revenus à 67 sur la compagnie qui comptait, avant l’attaque, 218 hommes.

Donc, on se cale bien les joues. Et avant, j’oubliais de dire que, ayant un ruisseau tout près, je me suis débarbouillé et nettoyé de fond en comble, ainsi que les copains, car cela nous faisait encore plus plaisir que de manger.
Et après c’est le vaguemestre qui apporte les lettres. Je réponds à une dizaine, ça me fait grand plaisir d’avoir des nouvelles après une séance pareille et, en plus, quelques petits drapeaux qui flottent dedans. Une heure après c’est le pinard qui flottait dans nos quarts car on se récompensait de la misère et de la soif des 4 jours que l’on avait eus.
Comme il n’y avait pas de cantonnement où nous étions, car tout était plein de troupes, on nous a fait cantonner dans un bois, tout près de ce patelin. Et nous montons la tente avec quelques feuilles et un peu de paille et, à la nuit tombante, tout le monde s’allonge dessous et ne demande qu’une chose : de roupiller un brin. Mais, voilà qu’à 23h les marmites de 210 tombent dans le bois : 100 mètres en avant et 100 derrière. Plein dedans. Et une dizaine nous arrivent tout près. On entend les éclats se heurter contre les arbres et les toiles de tente ne sont pas bien solides. Et tout d’un coup on entend : « Sac au dos ». Chacun saute sur son barda ; on démonte les tentes et, en avant, nous voilà partis. Ces cochons-là nous avaient repérés dans la journée et s’étaient dit : « Bon pour cette nuit ». Ils se figuraient qu’on ne dormirait plus. Erreur. Nous allons, de ce pas, à Acq, dans le pré où, le 9, nous attendions l’attaque. Et là, repos, mais il y avait encore 3km de faits.
Et là, je m’allonge sur l’herbe avec ma toile de tente sur moi et je roupille jusqu’à 6h tout de même. Quelle ne fut pas ma surprise, quand je m’éveillai, de voir qu’il tombait de l'eau et que j’étais tout mouillé sur la figure qui était à l’air, et que je n’avais rien senti. Il me semble que je dormais d’un bon cœur.

Ensuite la soupe arrive et, à 13h, nous partons, un peu à l’arrière, à Béthonsart. C’est à 12km de là. Il tombe toujours de l'eau. Enfin, nous arrivons, tous bien fatigués. De nouveau la soupe, quelques verres de pinard, et on cantonne dans une ferme, dans un grenier. On rigole de se voir dans un château, au premier étage. Et, à 20h, tout le monde dort, bien tranquille cette fois, à l’abri des marmites, et goûte ce repos bien gagné. Je n’ai pas besoin de dire si j’ai bien dormi.
Au tableau d’honneur, notre division a été citée à l’ordre de l’armée pour sa bravoure dans l’attaque du 9, 10 et 11 mai 1915."